Nicolas Gilbert est principalement connu à titre de compositeur. Son catalogue comprend « une quarantaine d’œuvres de musique de chambre, de musique vocale et de musique orchestrale, qui ont été entendues dans le cadre de séries de concerts et de festivals à Montréal, Toronto, Chicago, Mexico, Lima, Paris, Lyon, Milan, Berlin, Amsterdam, Belgrade, Varsovie, Pékin, Shanghai ainsi que dans plusieurs autres villes d’Amérique, d’Europe et d’Asie10». Il est le lauréat de plusieurs prix prestigieux, dont quatre Prix Opus. Il a également écrit quatre romans parus chez Leméac : Le récital, Le joueur de triangle, La fille de l’imprimeur est triste et Nous.
Dans son roman Le joueur de triangle, où le lecteur découvre à la fois l’univers des orchestres et celui d’un musicien urbain qui tente de s’élancer dans la vie, son protagoniste, Louis, un percussionniste de l’OSM, doit jouer une note de triangle lors d’un concert, une seule, mais la rate. Il se rend à Sorel pour rencontrer Guy Deléglise, un vieux musicien qui a passé quarante ans au sein de l’OSM et qui a connu tous les problèmes propres aux percussionnistes. Louis arrive à Sorel en autobus et il descend à la vieille gare de train, convertie jusqu’au début des années 2000 en gare d’autobus.
De là, il s’aventure dans la ville qu’il découvre et décrit dans le passage suivant :
«Je descendis de l’autobus, au terminus de Sorel, vers quinze heures. Je constatai que ce qu’on appelait pompeusement, dans le dépliant de la compagnie d’autobus, le "centre-ville" de Sorel, n’était en fait que… pas grand-chose. Il y avait, d’un côté de la rue, une série de bâtiments industriels assez anciens, en brique rouge. Entre deux de ces bâtiments, je pus apercevoir un cours d’eau; trop étroit pour être le Saint-Laurent, ce devait être le Richelieu. Soit que les usines fussent désaffectées, soit qu’on n’y travaillât pas le dimanche, je n’y vis aucun signe d’activité. En fait, le seul endroit qui semblait fonctionner était une gargote passablement déglinguée baptisée "Patate du Roi", d’où je vis sortir quelques adolescents.
Je continuai sur la rue du terminus, comme Cardinal me l’avait indiqué, jusqu’à un petit parc carré, assez coquet pour l’endroit. C’était sans doute le véritable cœur de Sorel, il y avait plus d’activité, les maisons aux alentours étaient un peu mieux entretenues. Je dépassai le parc, tournai à droite sur la rue suivante et arrivai rapidement devant la maison de Deléglise : deux étages, toit rouge, petite fenêtre ronde au-dessus de la porte d’entrée, palissade blanche, bouleau, pas d’erreur possible, c’était exactement la maison que Cardinal m’avait décrite. Je me dis que c’était tout de même absurde d’arriver là sans m’être annoncé. Qu’allait-il penser, Deléglise, lui qui ne me connaissait ni d’Ève ni d’Adam? Et cette histoire de triangle était déjà complètement invraisemblable en elle-même, il allait me prendre pour un cinglé, c’était inévitable11.»